Merci à Denis JACQUET (alias « Rumberito ») pour son accueil et cette initiative de faire venir partager l’expertise d’une musicologue cubaine durant 1an pour les passionnés que nous sommes.
J’ai pris beaucoup de plaisir à écouter et apprendre durant ces 3 heures denses de conférences (10min de pause seulement !). Je ne saurais que trop vous conseiller d’aller assister à ces sessions mensuelles, véritables mines d’informations qui contribueront à prolonger le débat sur les origines des musiques/danses cubaines et qui aideront à éradiquer certaines contre-vérités colportées par le « téléphone arabe ».
Je souhaite partager mes notes avec les FCautes, car je crois qu’il est important de retranscrire ce que j’ai vu et entendu là-bas pour notre communauté de passionnés d’histoire et de culture cubaine.
Ces notes seront rudimentaires et un peu enrichies. Elle entraîneront donc évidemment des erreurs d’interprétation de ma part, et nécessiteront d’être corrigées, modifiées ou étayées. Cependant, le but du jeu est avant tout de vous faire venir assister à ce Cycle de conférences, où vous aurez tout le loisir de dissiper certaines zones d’ombre avec Yanira.
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Contexte :
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Conférence sur les Origines du SON : XIXe Siècle – Années 50
par Yanira MARTINEZ ARANGO – Musicologue
Date : Dimanche 17 octobre 2010
Horaires : 15h-18h
Lieu : Espace de l’Institut Supérieur des Arts Afro-Caribéens (ISAAC) – 10, rue Boyer 75020
Nombre de participants : environ 15
Langue utilisée : Espagnol – avec la traduction simultanée d’un interprète
Animation, Coordination, Captation ; Denis JACQUET – Président de l’ISAAC
Programme des prochaines conférences mensuelles :
ICI
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Notes enrichies :
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La Musique Cubaine doit être étudiée sous l’angle de la nation et l’identité cubaine.
Le Son Cubain (el « Son Cubano ») est un processus historique, politique et culturel.
Influence directe de l’Afrique (esclavage) et de l’Europe : colonisation espagnole et française
> cf. proximité d’Haïti pour la zone orientale de Cuba. Cette double influence a donné un métissage ethnique, symbole d’un processus de « transculturation » unique dans la région caribéenne.
Origines du Son :
=> XIXe siècle <=
Le Son se forme dans le Bassin du Cauto qui se situe au nord de la chaîne montagneuse de la Sierra Maestra.
> Origines : hispanique, franco-haïtienne,
bantoue.
> Genre musical, vocal , instrumental, type de danse, profane et populaire.
> Les instruments : !!! attention !!! la clave n’est pas l’instrument originel du Son.
(cliquer sur les images pour plus d’info)
- la guitare espagnole
- le tres
- la tumbadora (ou tingotalango)
- la botija (ou botijuela)
- la marimbula
- el bongo
- la campana (ou cencerro)
- las claves
- el güiro
- el guayo
De l’aspect d’une râpe cylindrique en métal (qui servait notamment à râper la coco) ; le Guayo était avant tout un objet de travail manuel quotidien comme beaucoup d’autres instruments (cf. la campana des bœufs)
- la quijada
- las maracas
> La structure du Son :
1. Introduction
2. Alternance d’une structure récurrente formée d’un refrain (
« el coro » ou « el estribillo » ) qui a pour but de motiver et d’animer le chanteur (« dar aliento al sonero ») et d’un couplet (
« la copla »). Le couplet est généralement en forme octosyllabique ou en forme de quatrain.
3. Atteinte d’un climax musical que l’on nomme le « Montuno » (*).
4. Improvisation vocale et instrumentale
5. Conclusion
(*) Faire attention au contexte lorsqu’on parle de Montuno :
Exemple 1 : selon Yanira, le Son Montuno n’est pas une variante du Son mais simplement le Son traditionnel qui était joué par les gens de la montagne (« del monte »).
Exemple 2 : le montuno du Tres = introduction et structure harmonique effectuée par le Tres
(cf. l’analogie ave le « Tumbao » du Piano ou de la Contrebasse).
> Ancêtres et variantes du Son :
1. El Nengón
2. El Kiribá
3. El Changüí
4. El Sucu-Sucu
5. La Guaracha (à peine abordé faute de temps durant cette Conférence)
> El Nengón :
* Genre musical et type de danse qui se retrouve dans les fêtes familiales et rurales.
* Datation : seconde moitié du XIXe siècle
* Localisation : dans l’Oriente vers Baracoa, Imias.
* Joué et dansé par les
« mambises » (i.e. dissidents qui luttaient contre le pouvoir colonial espagnol) durant la Guerre d’indépendance.
* Préservé par les familles dont tous les membres jouaient d’un instrument. On surnomme familles, les « portadores », sortent de gardiennes du temple du patrimoine folklorique cubain.
* Il y a plusieurs variétés de Nengón mais toutes ont les caractéristiques suivantes :
- le Nengón est joué dans une grande maison au cours d’une fête populaire qui peut durer entre 4 et 5 jours d’affilé.
- Les instruments sont les mêmes que ceux du Son présentés plus-haut.
- Composé de chanteurs et de choristes
- Alternance refrain / couplet plus courts que le Son
- Thématique : souvent la Guerre d’indépendance cubaine
- Danse : plus lent et plus rigide que le Son
- Familles «portadores » célèbres : Valera-Miranda ; Machado-Rodriguez
[youtube]ah5_7nLaeq4[/youtube]
> El Kiribá :
Similaire au Nengón, mais plus rapide. Se jouait/dansait la nuit après le Nengón qui ouvrait la fête en début de soirée.
[youtube]wgfNnnSuaEs[/youtube]
> El Changüí :
Ancêtre/Variante ? La question n’est toujours pas tranchée.
* Datation : 1860
* Localisation : dans l’Oriente à Guantanamo. L’origine Guantanamera est un facteur identitaire très marqué pour le Changüí. Etre originaire de la région de Guantanamo retire une grande fierté. Les jeunes musiciens originaires de la région du Changüí, lorsqu’ils viennent étudier aux conservatoires de La Havane, ont généralement la réputation d’avoir une oreille rythmique hors du commun.
* Le style très affirmé du Changüí et son indépendance musicale, poussent plus vers l’idée qu’il serait un ancêtre du Son
* !!! Attention !!! Le terme Changüí peut indiquer le genre musical, la danse ou une fête
>> Vamos a hacer un changüi : faisons une grosse fête.
* Une des origines du mot Changüí selon Fernando ORTIZ proviendrait du mot Bantou « Sanga » qui signifie : sauter de joie, réussir quelque chose, triompher.
* Quartier d’origine dans Guatanamo :
La Loma del Chivo
* Instruments :
- Le Changüí traditionnel se joue avec un Guayo et non un Güiro. « El Guayo sirve para mantener el ritmo » (le Guayo sert à maintenir le ryhtme). !!! Pas de clave dans le Changüí traditionnel.
- Le tres
- Le Bongo du Changüí n’est pas celui du Son : selon Pedro SPECK, qui popularisa le Changûí, ce sont les « Tumbas Francesas », c'est-à-dire des fêtes d’esclaves de colons français (d’Haïti) où l’on jouait de nombreuses percussions, qui ont influencé la manière de jouer le bongo duChangüí. Plus tard, c’est Elio Revé à son tour, avec son « nuevo ritmo Changüí », qui innovera en transférant la grille rythmique du Bongo aux Timbales.
- La Marimbula
- Les maracas
Exemple avec un standard du Changüí traditionnel – « Guararey de Pastora » (qui sera repris plus tard à la sauce « Songo » par Juan Formell et Los Van Van)
[youtube]0rfAey6yR3A[/youtube]
* Le Changüí traditionnel se joue par toute la famille.
* « El Tres es el conductor del Grupo ». C’est lui qui envoie le Montuno.
> Le Chant et le Tres se répondent.
> Joueur de tres guantanamero (i.e tresero) très célèbre : Nene Manfugas
> El Sucu-Sucu :
Variante du Son. Pas de doute comme le Changüí.
* Datation : Années 1920
* Localisation : dans l’Île de Pins (aujourd’hui rebaptisée l’ïle de la Jeunesse).
* Tradition rurale mais de la plaine (el llano) en opposition avec la montagne (el monte).
Influence des Îles proches : Îles Caïmans & Jamaïque.
* Instruments :
- Idem que le Son
+ Accordéon
+ Harmonica
+ Machette
+ Violon
[youtube]QDZ-fx71zyQ[/youtube]
(désolé pour cette vidéo quelque peu touristique)
* Interprète célèbre : Mango Rives
=> La période classique du Son : Début du XXe siècle - années 1920 <=
Durant la Guerra d’indépendance (fin XIXe siècle), une vague d’invasion armée allant de l’Orient vers l’Ouest du pays, va entraîner des flux migratoires entre Santiago de Cuba et La Havane, emportant avec eux le Son.
Après le départ des espagnols de La Havane au début du XXe sicèle, des familles entières venant de l’Oriente, s’installèrent dans les grandes maisons laissées vides. Ces familles faisaient partie des couches populaires les plus pauvres. C’est dans ce contexte que le Son se développa avec des bars de quartier qui voyaient fleurir des Sexteto, dont le plus célèbre fut le Sexteto Habanero qui deviendra le Septeto Habanero.
Composition d’un sexteto :
1. Tres / Guitarra
2. Maracas
3. Claves
4. Bongos
5. Cencerro
6. Marimbula
Composition d’un septeto :
1. Tres / Guitarra
2. Maracas
3. Claves
4. Bongos
5. Cencerro
6. Contrebasse qui remplace le Marimbula
7. Trompette
Sexteto/Septeto Tipico Habanero – "Loma de Belen”
[youtube]goyOxwR3tqw[/youtube]
Pendant cette période on voit la conjonction entre le Son et la Trova(*).
cubalatina.com a écrit :(*) C'est toute une génération d'auteurs-interprètes qui chantent seuls en duo, ou trio accompagnés d'une guitare qui apparaissent au début du XXe siècle, appelés trovadores : ces groupes de troubadours chantent des habaneras, des guajiras, où boléros, chansons sentimentales nées vers 1880 à Santiago de Cuba, berceau de la Trova cubaine, dans la province d'Oriente la plus à l'Est de Cuba.
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=> Les années 1930 & 40 <=
C’est une période de crise et de trouble mondial.
Les Septetos périclitent au profit des Charangas et Jazz Bands. Les Charangas sont des groupes qui jouent du Danzón, concurrent principal du Son à cette époque. [Le Danzón sera spécifiquement traité lors d’une conférence de Yanira].
Arsenio Rodriguez crée le Conjunto pour apporter de la puissance au Sextet/Septet classique :
+ de trompettes (2 à 4)
+ insertion du piano
+ insertion des congas (= tumbadoras)
<-> Exclusion de la guitare
Le Conjunto d’Arsenio est emblématique des musiciens d’exception de cette époque :
- trompettiste du Conjunto : Felix Chapottín
- pianiste du Conjunto : Luis « lili » Martinez
- chanteur du Conjunto : Miguelito Cuni
Arsenio était un tresero qui jouait de façon très puissante, à la façon du Son joué dans les régions montagneuses (el son Montuno) >> attention donc aux affirmations du type : Arsenio est l’inventeur du Son Montuno.
Autres Conjuntos célèbres de l’époque :
- Conjunto Casino
- La Sonora Matancera (i.e de la région de Matanzas ; dans laquelle a vu évoluer la jeune Célia Cruz avant sa carrière planétaire)
Arsenio Rodriguez y su Conjunto – “Adios, Carmelina”
[youtube]wTkWmj79Qj8[/youtube]
=> Les années 50 <=
Avant la révolution castriste de 1959, on voit l’émergence du Jazz américain post-seconde guerre mondiale. A cette époque, les échanges entre cubains et américains étaient très fréquents.
On voit alors la création de Jazz bands cubains qui jouent de tout (Jazz, Son, Cha Cha, Bolero etc.), avec l’insertion de nombreux instruments à vent (comme les Saxophones et les Trombones) qui donnent encore plus de puissance à la musique de ces groupes.
Les plus célèbres de l’époque étant :
- Orsquesta Riveside
- Benny Moré y su Banda Gigante
Benny Moré Y Su Banda Gigante – Que Bueno Baila Usted
[youtube]B1VE56pc3Rk[/youtube]