Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

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Kiriku
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Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Kiriku »

En discutant de l'ouverture des cultures et de l'évolution de celles-ci avec Tonton Léo en fin de semaine dernière, m'est venue l'idée d'une analogie avec la cuisine, sujet qui nous touche particulièrement en tant que français, car elle est inscrite dans notre patrimoine, et que nous sommes bombardés depuis quelque temps par une flopée d'émissions culinaires.
Comme Willy donnait son avis dans un autre sujet du forum, avis que je partage, à savoir que les danses cubaines évoluent, mais que la légitimité de la digestion et de l'intégration d'autres cultures dans ces danses, appartient au peuple cubain.
Je pousse l'analogie un peu plus loin dans le texte ci-dessous.

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.
Si je perds des amis, tant pis.


Jo le cuistot, cuisinier en France, est passionné par les Etats-Unis. Invité par un de ses amis américains à un festival de cuisine à Las Vegas, il va donc représenter la cuisine française, en préparant des plats pour une démonstration en direct devant le public, et donnera des cours en journée.
Pour la démo, il avait prévu un bon vieux bœuf bourguignon.
Son ami américain, devenu son impresario, lui conseille plutôt de retravailler le cheese-cake, à la française. En effet, le public n'est pas très averti, et le bœuf bourguignon ne lui parlerait pas trop. Ils connaissent par contre tous le cheese-cake, et un cheese-cake revisité serait bien plus spectaculaire.
Premier dilemme pour Jo le cuistot. Et vous que feriez-vous ?


Choix n°1
Jo le Cuistot suit les conseils de son ami/impresario.
Le public, en grande partie profane, reste bouche bée et redécouvre le cheese-cake sous un autre angle.
La majorité des gens, impressionnés, s'inscrivent en cours, les yeux fermés.
Tom, qui travaille dans l'événementiel culinaire, et qui organise régulièrement des soirées dégustations de cuisine du monde, a vu tout ça. Lui qui était habitué à travailler avec des peintres pseudos cuistots français qui n'enchantaient personne lors de ses soirées, décide d'inviter Jo, et va se battre pour qu'il représente cette cuisine dans les différentes démonstrations publiques de cuisine française dans tout le pays. Carton plein pour Jo, qui sera invité par la suite à de nombreux concours, au cours desquels il revisite à chaque fois un grand classique de la cuisine américaine "à la française". Il va même continuer à innover en revisitant la cuisine d'autres pays.
Tim, qui étudie la tradition culinaire de plusieurs pays depuis des années, a déjà tout vu, tout entendu, et connaît tout de tout. Blasé, la seule chose qui lui met des étoiles dans les yeux, c'est le mélange des cuisines. Épaté par la prestation de Jo, il voit en lui le renouveau de la cuisine française.
Une petite minorité des gens reste perplexe après la démonstration. Pas complètement connaisseurs, mais pas complètement profanes non plus, ils ont un petit peu l'impression qu'on essaie de les duper avec ce cheese-cake à la française. En ayant fait quelques recherches, ils se sont rendus compte que la tradition culinaire française est extrêmement riche, et que ce cheese-cake, même s'il est intéressant, ne correspond pas à ce qu'ils souhaitent étudier. Déçus par la prestation de Jo, ils ne participeront pas à ses cours, et chercheront d'autres cuistots qui auront vraiment envie de partager leur culture.

Jo roule désormais en berline et porte des lunettes de soleil, même la nuit. Son ami/impresario avait bien raison. Désormais, il est blindé, et la majorité des gens l'apprécie grâce à ce détournement de la tradition culinaire qui l'a amené jusqu'ici, et qu'il a petit à petit oublié.


Choix n°2
Jo le cuistot a mûrement réfléchi. L'idée du cheese-cake à la française est intéressante, il la ramènera chez lui, dans son restaurant, en tant que nouveauté, et qui sait, ce cheese-cake sera peut-être un jour un classique de la cuisine française. Par contre, pour la démonstration publique dans laquelle il est censé représenter son art, le bœuf bourguignon, même s'il n'est pas sûr d'avoir autant de succès, aura le mérite d'être authentique, et sera cohérent avec ce qu'il enseignera aux élèves en cours. Sa fierté de représenter son corps de métier prime.
Le public, en grande partie profane, découvre cette recette, qui a un rendu très sympathique et alléchant, mais qui a quand même l'air bien compliquée à exécuter.
Seule une partie des ces gens s'inscrit en cours. L'autre partie se dirigeant vers un spectacle de magie, qui n'a rien à voir, mais qui sera plus fun.
Tom, notre ami de l'événementiel, se rend bien compte que Jo est d'un niveau bien supérieur à ses peintres habituels. Mais il n'amène pas de nouveauté spectaculaire. Il l'invitera quand même, à l'occasion.
Tim n'est pas impressionné. Ce n'est qu'un boeuf bourguignon, trop classique. Il est même déçu, il aurait aimé voir quelque chose de plus métissé. Bref...
Une petite minorité des gens est ravie. Pas complètement connaisseurs, mais pas profanes non plus, ils se régalent du savoir-faire de Jo, et tentent de s'imprégner au maximum de son enseignement. Ce sont eux qui vont continuer à prendre régulièrement des cours avec Jo, qui, petit à petit ne sera plus invité dans les démonstrations publiques, des showmen ayant pris la place.

Jo conserve une vie modeste, mais il est heureux de partager sa culture et ses traditions culinaires avec des gens qui la respectent. Évidemment, il touche moins de monde, difficile d'arriver à plaire à tout le monde tout en restant authentique, mais bon, c'est son choix.



On peut essayer de repenser la même histoire avec Jo le mecano, mécano mais passionné de cuisine.
Ou avec Jo le plombier, qui n'y connaît rien en cuisine, mais qui est français.
Ou avec Jo l'américain, qui est super fort en magie, et qui fait sortir un cheese-cake de sa manche pendant la démonstration.


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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par ricco »

Lol , t'es bon mon Kiri , j'aime ton jeu de role ...
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Leonel »

Mort de rire ! Excelent !

Juste un truc que je n'ai pas compris...

Pourquoi je ne pourrais pas cuisiner un boeuf bourgignon avec des lunettes de soleil meme la nuit ? :mrgreen:

Pour ton info, a Antibes ou je vis, a quelques 60km de la frontiere italienne, l'économie du port de plaisance est monopolisée par des anglo-saxons qui ont aussi colonisé certains bars a cote de quais..

Figure toi que désormais on trouve des PANINIS AU CEDDAR CHEESE !!!! Voilà !

Même motif, même punition ! :wink:
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Kiriku »

Bon appétit Tonton !

Au final, si tu les trouves bon les sandwiches, manges-en...
Chacun a sa vérité, ses goûts, ses envies, sa fierté...
On est tous différent, on ne réagit pas tous de la même façon selon une situation donnée, c'est ce qui nous permet d'en discuter, de nous enrichir, de nous faire notre propre opinion...
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Maximus »

ricco a écrit :Lol , t'es bon mon Kiri , j'aime ton jeu de role ...
tout simplement excellent, j'adore ce que tu fais Kiri :D :D
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Willy »

Bravo mon gars... bien résumé... Du coup, tu m'as fait aimé le bœuf bourguignon :lol:

Et le pompon, c'est que dans la vraie vie, et pour tous les domaines artistiques, ça se passe comme ça.

Et moi je dis que les 2 ont leur légitimité, mais on va toujours trouver des extrémistes conservateurs, et des extrémistes novateurs. Et j'ai l'impression que l'art et la culture mourraient sans la confrontation de ces deux courants de pensée. Ceci dit, c'est dommage que ce soient les formes plébiscitées par le grand public qui soit les plus demandées.

Aujourd'hui, je constate simplement une espèce de lissage de la société, une uniformisation, une tendance à la pensée unique. Dans cette confrontation, les traditionalistes ont presque match perdu. Pas citer de noms, il ne faut pas citer de noms La médiatisation aura t-elle raison ?

Heureusement il existe des irréductibles, des chercheurs, des passéistes, qui ne se laissent pas berner ou qui ont avalé la pilule rouge.

Merci Kiriku pour cette initiative pacifiste (et pacifique) non passive. ;)
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par Kiriku »

Merci les amis ;)
Willy a écrit :Et le pompon, c'est que dans la vraie vie, et pour tous les domaines artistiques, ça se passe comme ça.
Et oui, on est 100% d'accord. Après selon nos sensibilités, ça nous choque (ou pas) plus dans certains domaines, qui nous sont plus familiers, qui nous parlent, plus que dans d'autres qui nous partiellement inconnus, et pour lesquels on a plus tendance à écouter celui qui parle le plus fort plutôt que de se forger sa propre opinion, d'utiliser son esprit critique.
(question bonus : combien de "plus" dans cette phrase...)
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par SalseroLocoVolante »

Voilà une belle prose kirikuenne (non, je ne parle pas de viande :lol: )...

Il était une fois... étant débutant, j'ai commencé dans un cours ou la cuisinière semblait préparer de bons plats qu'elle savait agrémenter d'épices goutues. N'ayant pas un palais exercé, je trouvais ses mets d'une saveur incroyable ; malgré quelques petits cheveux de temps à autres dans l'assiette.
J'ai commencé à sortir danser et j'ai constaté que les mets qui me semblaient d'une saveur incroyable ne correspondaient pas du tout à ce que les Latinos (en particulier Cubanos) mangeaient ; que je voulais gouter et apprendre à cuisiner...
La déception m'a alors gagné et je me suis mis en quête d'un cuisinier qui me ferait gouter ce que je recherchais. Une fois que j'y eu gouté, je lui ai trouvé la meilleure des saveurs qui puisse être et il n'y avait jamais aucun cheveu dans aucune des assiettes servies au fil du temps.
Quand il m'arrivait parfois de croiser la cuisinière, je trouvais alors ses plats d'un fade que je n'aurais jamais imaginé.


C'est le public qui fait le cuisinier. On commence profane, on ne connait rien et on a envie d'apprendre quelque chose. Celui qui en fait des tonnes en strass et paillettes sera celui qui va nous accrocher le palais par une magnifique accroche visuelle.
Mais selon sa sensibilité et sa quête, on va vite se rendre compte de la supercherie.
Kiriku a écrit :Une petite minorité des gens reste perplexe après la démonstration. Pas complètement connaisseurs, mais pas complètement profanes non plus, ils ont un petit peu l'impression qu'on essaie de les duper avec ce cheese-cake à la française.
On met alors les voiles pour se tourner vers un cuisinier traditionnel... qui officie plutôt dans un endroit qui ne paie pas de mine, tandis que la star est dans un magnifique restaurant étoilé.
Kiriku a écrit :En ayant fait quelques recherches, ils se sont rendus compte que la tradition culinaire française est extrêmement riche, et que ce cheese-cake, même s'il est intéressant, ne correspond pas à ce qu'ils souhaitent étudier. Déçus par la prestation de Jo, ils ne participeront pas à ses cours, et chercheront d'autres cuistots qui auront vraiment envie de partager leur culture.
Mais la quête de la majorité des élèves étant plutôt de devenir une star de strass et paillettes afin de porter des lunettes de soleil (même la nuit) ; non pas au niveau de professeur, mais sur piste à l'épate ; permet à ces cuisiniers star de trouver un large public et donc une assise parfaite.
La recherche de connaissance, les voyages, la découverte de la véritable culture font d'autres chercher l'authenticité ; mais ils ne sont malheureusement pas nombreux...

Mais nous vivons dans une société ou les strass et paillettes sont plébiscitées, ainsi que la quête du jet-setisme... :smt102
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Re: Jeu de rôles, pas forcément un jeu drôle...

Message par sk-fifty »

SalseroLocoVolante a écrit :Voilà une belle prose kirikuenne (non, je ne parle pas de viande :lol: )...

Il était une fois... étant débutant, j'ai commencé dans un cours ou la cuisinière semblait préparer de bons plats qu'elle savait agrémenter d'épices goutues. N'ayant pas un palais exercé, je trouvais ses mets d'une saveur incroyable ; malgré quelques petits cheveux de temps à autres dans l'assiette.
J'ai commencé à sortir danser et j'ai constaté que les mets qui me semblaient d'une saveur incroyable ne correspondaient pas du tout à ce que les Latinos (en particulier Cubanos) mangeaient ; que je voulais gouter et apprendre à cuisiner...
La déception m'a alors gagné et je me suis mis en quête d'un cuisinier qui me ferait gouter ce que je recherchais. Une fois que j'y eu gouté, je lui ai trouvé la meilleure des saveurs qui puisse être et il n'y avait jamais aucun cheveu dans aucune des assiettes servies au fil du temps.
Quand il m'arrivait parfois de croiser la cuisinière, je trouvais alors ses plats d'un fade que je n'aurais jamais imaginé.


C'est le public qui fait le cuisinier. On commence profane, on ne connait rien et on a envie d'apprendre quelque chose. Celui qui en fait des tonnes en strass et paillettes sera celui qui va nous accrocher le palais par une magnifique accroche visuelle.
Mais selon sa sensibilité et sa quête, on va vite se rendre compte de la supercherie.
Kiriku a écrit :Une petite minorité des gens reste perplexe après la démonstration. Pas complètement connaisseurs, mais pas complètement profanes non plus, ils ont un petit peu l'impression qu'on essaie de les duper avec ce cheese-cake à la française.
On met alors les voiles pour se tourner vers un cuisinier traditionnel... qui officie plutôt dans un endroit qui ne paie pas de mine, tandis que la star est dans un magnifique restaurant étoilé.
Kiriku a écrit :En ayant fait quelques recherches, ils se sont rendus compte que la tradition culinaire française est extrêmement riche, et que ce cheese-cake, même s'il est intéressant, ne correspond pas à ce qu'ils souhaitent étudier. Déçus par la prestation de Jo, ils ne participeront pas à ses cours, et chercheront d'autres cuistots qui auront vraiment envie de partager leur culture.
Mais la quête de la majorité des élèves étant plutôt de devenir une star de strass et paillettes afin de porter des lunettes de soleil (même la nuit) ; non pas au niveau de professeur, mais sur piste à l'épate ; permet à ces cuisiniers star de trouver un large public et donc une assise parfaite.
La recherche de connaissance, les voyages, la découverte de la véritable culture font d'autres chercher l'authenticité ; mais ils ne sont malheureusement pas nombreux...

Mais nous vivons dans une société ou les strass et paillettes sont plébiscitées, ainsi que la quête du jet-setisme... :smt102
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