Hommage au musicologue Helio Orovio dcd le 6 octobre 2008

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sarkotos
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Hommage au musicologue Helio Orovio dcd le 6 octobre 2008

Message par sarkotos »

J'étais de passage à La Havane il y a un mois. Dans ma valise, l'habituelle bouteille de Scotch Bourbon pour mon meilleur ami cubain, le musicologue Helio Orovio, auteur du fameux dictionnaire de la Musique cubaine. Le lundi, je me rends à l'Union des Artistes et des Écrivains dans le Vedado. J'y trouve un paysage de désolation, la terrasse du café Huron Azul, en chantier, est fermée pour rénovation totale. Mauvais présage. Je me dis, comment les habitués vont-ils pouvoir survivre à ça ? Sans les canettes et les discussions enflammées par le rhum pas cher ? En plus, personne n'est capable de m'indiquer s'il y a un 'lieu' de remplacement. Le soir je téléphone à son domicile. On me répond « Helio est alité, il a ramené un mauvais virus du Vénézuela, il ne peut pas te parler, rappelle jeudi ». Le jeudi je réitère, « j'ai une voiture, je peux passer cet après-midi à Santiago » mais nouvelle réponse négative. Je ne m'inquiète pas outre mesure.

Le Huron Azul a toujours été la vraie maison de Helio et cette déprimante absence forcée peut fort bien l'avoir à nouveau catapulté sur son antique machine à écrire pour mettre un point enfin final à sa grande histoire de la Rumba, toujours en chantier. Helio travaillait peu, c'est vrai, mais quand il s'y mettait il n'était plus là pour personne. Raison essentielle pour laquelle il continuait de se taper ces interminables allers-retours en 'maquina à 5 pesos' surfant jour et nuit entre le calme provincial de Santiago de las Vegas et l'agitation urbaine de La Havane.

Voilà, je rentre donc à Paris le dimanche et, le mercredi en huit suivant, un websurf de hasard me fait échouer sur cette sombre page du journal Juventud Rebelde qui m'explose à la gueule ; " Hoy fallecio el gran musicologo..." Alors c'était donc ça, cette opération de la prostate il y a deux ans, ce teint de plus en plus blême, et plus de femmes, et plus d'alcool ; encore ce crabe qui n'avait pas renoncé et qui l'a ultimement frappé à mort.

Je connaissais Helio depuis dix ans. Le jour où René Espi, fils de Roberto Espi -chanteur du glorieux Conjunto Casino des années 50 - nous avait présenté, nous étions resté très tardivement sous les frondaisons de la sublime 'casona' de l'UNEAC à consommer moult 'roncitos con cola' et à écouter Helio, en très grande forme, nous faire un best-of acide et cruel de plus d'une heure ininterrompue sur TOUS les présidents de la République cubaine depuis l'indépendance et leurs vices et turpitudes diverses. Helio était un très grand conteur. Il parlait aussi un très bel espagnol 'cubano criollo', tout aussi éloigné de la bouillie populaire cubaine que des rigueurs du pur castillan. A cet effet, regardez-le parler du Carnaval de Santiago de Cuba dans cet extrait.


J'ai réalisé, traduit et co-écrit trois livres en français avec lui sur les musiques cubaines. « Fiesta Havana » est maintenant considéré comme le livre de référence sur la glorieuse période des années 40 et 50 et j'en suis fier. « Ritmo Cubano » est un livre unique sur ces grands éditeurs discographiques cubains, créatifs et indépendants, fleuron culturel de la Cuba d'avant Fidel. On avait passé des semaines avec Helio à écumer les lieux les plus improbables de La Havane et ses banlieues pour refaire vivre toutes ces sublimes pochettes de l'époque. « Le guide des musiques cubaines » est une excellente introduction de poche à ce 'continent' de la musique qu'est la grande île caraïbe. Très grand connaisseur de l'histoire de la musique cubaine et des rythmes populaires dansants, Helio n'était au fond que peu attiré par le Jazz trop jazz et surtout la Timba récente - qu'il jugeait vulgaire, brouillonne et peu musicale - ne parlons même pas des rappeurs locaux et de l'invasion reggaeton ! C'était l'un de nos sujets de discorde rituels. Problème de génération, probablement. Il préférait me raconter ses après-midis dominicaux des années 50 dans les jardins de La Polar ou La Tropical à écouter Benny Moré et tous les autres, sous les palmiers, une gorgée de mousse aux lèvres et entouré de sublimes mulâtresses toutes plus disponibles les unes que les autres... disait-il !

Un autre sujet brûlant bien sûr était 'la situation' de l'île. Helio détestait intrinsèquement le régime mais bien sûr ne pouvait pas le manifester trop ouvertement. Il était le grand spécialiste des applaudissements avec les mains qui ne se touchent pas et des lèvres qui ne murmurent qu'une approbation totalement muette et silencieuse. C'était aussi son coté farceur et facétieux ! Homme pas assez courbé, il avait été convoqué plusieurs fois par des idéologues de la hiérarchie. En plusieurs occasions son visa de sortie du pays n'était pas 'arrivé' à temps pour la date du billet d'avion et de la conférence à l'étranger, l'année dernière pour Puerto-Rico par exemple. Ils se méfiaient un peu de lui et ne lui ont jamais fait d'honneur spécial ; pas de bourses, pas de médailles, pas de voyages, pas de missions de conseil officielles, de représentation culturelle ou de direction de centre musical urbain ou autre. Il en souffrait en son for intérieur. Il m'avait dit un jour ; " Ici les meilleurs peintres, les meilleurs journalistes, les meilleurs ingénieurs, les meilleurs mathématiciens et même les meilleurs médecins ne sont PAS les meilleurs peintres, journalistes etc ; Ce sont ceux qui ont suffisamment baissé leur culotte, qui ont donné assez de preuves de soumission pour qu'on les incorpore sur la liste des bénéficiaires des prébendes du régime... job, logement, voiture etc ".

Helio aimait son pays sans être fermé, nationaliste, buté ou chauvin. Il aimait penser que les seuls autres endroits où il aurait pu survivre étaient Vera Cruz et Cartagena, villes à la population fortement métissée... comme à Cuba. Au pays de la corruption généralisée Helio était beaucoup trop intègre et trop foncièrement honnête pour réussir matériellement ! Helio ne possédait rien. Il avait légué sa collection de disques à son ami musicologue Cristobal Diaz Ayala installé à Puerto Rico. Sa dernière intervention au début de l'année, au congrès annuel de l'UNEAC, axée sur la défense des musiciens et la critique du système musical étatique, n'était pas passée inaperçue - en présence de Raul - et avait même été fortement applaudie.

Helio avait de l'humour ; sur sa porte d'entrée il y avait un petit panneau « Fidel, aqui esta tu casa » ! Helio était piquant et savoureux. Il a raconté dix mille fois aux dix mille emmerdeurs de passage qui slalomaient inlassablement entre les tables les dix mille anecdotes - connues de lui seul - qui ont fait l'histoire de la grande musique cubaine. Dictionnaire vivant, Helio tenait table ouverte dans le jardin de l'UNEAC et, constamment sollicité - dérangé ! - par tous ces glandus désoeuvrés ou faussement occupés à un article pour une feuille de chou, un livre jamais publié ou un discours à venir pour un patronage de retraités, répondait néanmoins toujours intelligemment, élégamment et avec courtoisie aux questions les plus incongrues.

Jamais vulgaire, jamais imbibé, jamais vitupérant, toujours posé, Helio avait LA CLASSE.

Helio avait aussi des goûts assez kitsch ; Il adorait aller écouter Angel Diaz sussurer des vieux boleros éculés, avec sa voix de crooner décati et ses cheveux plaqués à la gomina, là-haut au 10ème étage de l'hotel St John's, pour un public de 7 personnes affalées sur des banquettes rouges inconfortables dans une salle éclairée par trois néons fluos blafards et poussifs. Mais il n'a rien aimé de la vague Buena Vista Social Club qu'il ne considérait que pleine de seconds couteaux fatigués. Plutôt dix fois Bebo Valdés que Ruben Gonzalez ! Plutôt cent fois le grand Cachao que le neveu Cachaïto ! Quant aux chanteurs, n'en parlons même pas ; Pour lui Pio Leyva était archi-cuit, Compay Segundo une aimable plaisanterie - mais un bon produit marketing - et Ibrahim Ferrer n'aurait jamais dû quittter son trottoir où il cirait les chaussures ! Par derrière, la critique avait aussi la dent dure, surtout en ce pays où la 'chismoseria' est élevée au rang de sport national. Beaucoup étaient jaloux de son humour quasi british, de son statut hybride, de son individualité affirmée et de sa langue de putois parfois !

Depuis mercredi dernier, il s'est trouvé des gens pour écrire sur internet ; " Orovio = vieux fils de pute, auteur d'un dictionnaire qui excluait Celia Cruz et Willy Chirino simplement parce qu'ils avaient préféré habiter ailleurs qu'à Cuba ". Je peux affirmer ici que Helio considérait Celia Cruz comme la plus grande chanteuse cubaine de tous les temps. Il était son ami. Il avait été scandalisé par la façon dont le régime avait interdit toute mention officielle lors du décès de celle-ci. Toutes les coupes de la première édition du Dictionnaire lui avaient été imposées. La deuxième édition a rétabli une partie des choses dans l'ordre. Quant à la version anglaise éditée par Mo Fini, le patron de Tumi Records, elle est 100% complète.

Helio le provocateur se promenait toujours sur son île chérie avec des casquettes de baseball systématiquement marquées 'Miami', 'Key West', 'Florida', 'Everglades' etc. Je ne l'ai jamais vu avec la casquette "Paris" que je lui avait offerte ! Sur internet un crétin raciste a aussi écrit ; 'Helio, grand connaisseur de la musique, surtout connu de lui-même, aimait trop les filles foncées !' Oui, Helio a passionnément aimé les mulâtresses et les noires, mais aussi les rythmes noirs, la culture noire, les racines africaines étroitement entremêlées aux traditions musicales ibériques qui font que Cuba est Cuba et que Cuba est et restera unique.

Helio avait eu une carrière de percussionniste dans les années 50 et il adorait la rumba ou le guaguanco. Depuis deux ans il répétait régulièrement avec le nouveau conjunto Jovenes del Cayo qu'il avait contribué à réactiver. Un CD a même été gravé et le sympathique producteur italien responsable du projet serait bienvenu de vite le commercialiser pour nous confirmer une dernière fois que Helio savait allier le geste à la parole.

Enfin, un dernier article pêché sur internet mentionne que l'écrivain Reynaldo Arenas l'avait surnommé 'Helio Oprobio'... Info ou intox ? Je ne suis pas de cette génération, je n'ai pas connu l'époque de la chape de plomb stalinienne sous les tropiques. Je sais que Helio, un peu jaloux quand même, était très curieux de la diaspora cubaine dans le monde et me demandait toujours des nouvelles des auteurs cubains vivant ou édités en France.

Un jour, il m'avait même apporté toute une pile d'articles de Zoé Valdés publiés à Cuba et faisant l'apologie du socialisme à la cubaine, avant sa conversion à l'Occident. Je lui répondais que les choses ne sont pas si simples et que les Cubains de l'extérieur savaient parfois être plus authentiquement cubains que ceux de l'intérieur... et que la plupart du temps ils travaillaient phénoménalement plus ! Ce qui - respect - est absolument le cas de Zoé Valdés.

Il était très pessimiste sur l'avenir de l'île. Il pensait que le peuple profond mettrait un autre siècle à extirper les nombreux virus des très mauvaises habitudes morales, idéologiques et intellectuelles contractées au cours de ces 50 premières années de communisme forcé. Helio, bien que solitaire forcené, peu gâté par les joies familiales - il n'entretenait aucun contact avec sa descendance qui réside aux États-Unis - avait un don, celui de se faire des amis, pour une heure, pour un mois ou pour la vie. Toujours très bohème dans l'âme, il possédait aussi à fond cet inégalable art de l'absence, de la réapparition, de se faire attendre, bref de se faire désirer ! Helio va manquer à vraiment beaucoup de gens mais ils ne le savent pas encore.

Il meurt le jour de mon anniversaire et se fait enterrer le jour de la mort du Che. Sympa le cadeau... et joli pied de nez à l'histoire.

Bref, le bonhomme a encore disparu ! Mais où va t'il donc réapparaître ?

Hasta luegito Maestro.
Olivier Cossard
Modifié en dernier par sarkotos le mar. nov. 11, 2008 11:29 pm, modifié 1 fois.


pbooj
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Message par pbooj »

Un bel hommage qui nous permet de connaître un peu mieux l'homme caché derrière le grand musicologue. Merci beaucoup
http://dicidense.free.fr/ Listen with your feet, dance on your ears. pee-poo-gee pmove pmueve pbouge pbooj πR
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Message par CHAMACOS »

Etant un passionné de musicologie, je suis également attristé par cette nouvelle.

:(
Aqui para guarachar...
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Message par Leonel »

Merci de nous faire partager avec ta plume si élégante cette intimité que tu as su développer avec cette grande figure de la culture cubaine.

Orovio était aussi l'ami de Claudion.

Je suis sur que cette nouvelle va le bouleverser a son arrivée a Rome.

Le dictionnaire (illustre) de la musique cubaine, avec ses différentes éditions (en espagnol et en anglais) est de fait une référence incontournable pour celui qui cherche a découvrir le labyrinthe de l'île de la musique.
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Message par claudion »

Leonel a écrit :Merci de nous faire partager avec ta plume si élégante cette intimité que tu as su développer avec cette grande figure de la culture cubaine.

Orovio était aussi l'ami de Claudion.

Je suis sur que cette nouvelle va le bouleverser a son arrivée a Rome.

Le dictionnaire (illustre) de la musique cubaine, avec ses différentes éditions (en espagnol et en anglais) est de fait une référence incontournable pour celui qui cherche a découvrir le labyrinthe de l'île de la musique.
Leonel , j' ai recu la nouvelle de la mort de Helio le 7 octobre dernier par un ami cubain et j'ai pleurè pour l' ami qui s' en va....
Ce matin , lors de ton coup de fil en m' annonceant encore une fois la perte de Helio Orovio j' etais encore dans l' aereoport et je venait de descendre de l' avion. J' ai retenue avec fatigue mes larmes probablement pour la pudeur d' etre encerclè des gens...
Il a etè mon maitre et aussi une presence important dans ma vie havanaise mais j' avoue d' etre incapable maintenant ( peut etre je ne veux pas ) de faire connaitre tous les anecdotes sur lui aussi que beaucoup des verites sur sa vie .
Tout ca reste, pour le moment, dans le jardin de mon coeur et de ma memoire avec tous le respect intime que je porte vers mes sentiments.
Je suis sur que tu comprendrà.....
Descansa en paz Helio ...y sigues riendote de los comemierda !
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Message par Kiriku »

pbooj a écrit :Un bel hommage qui nous permet de connaître un peu mieux l'homme caché derrière le grand musicologue. Merci beaucoup
Tout pareil 8O
faites vivre votre passion et la passion vivra
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sarkotos
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pour ceux qui lisent l'espagnol,

Message par sarkotos »

voici un autre très bel hommage à Helio Orovio, paru sur le site www.kaosenlared.net/cuba et signé par un vieil ami à lui, Rodolfo de la Fuente.

El espacio que ocupaba y ocupa la Unión de Escritores y Artistas de Cuba en la segunda mitad de 1971 era, en aquella realidad y ahora al recuerdo, un ámbito luminoso, lleno de expectativas y sorpresas. Me causaba emoción ir camino a esa esquina de 17 y H, bajo los árboles aún benévolos, respirando el aire limpio de aquellas mañanas solo injuriado a veces por lo que llamé inicialmente ¨el olor de La Habana¨, que después descubrí provenía de los salideros de gas de algunas casas.
Recién había cumplido los 16 años y era mi primera vez en La Habana, llegado desde aquel Holguín sin tan altos edificios y tan anchas calles, y empezaba a deslizarme por ¨esa difícil, rara forma de la sabiduría que es el arte¨, como escribiría en dedicatoria hoy extraviada Eliseo Diego al firmarme un ejemplar náufrago de ¨Por Los Extraños Pueblos¨ en Diciembre de 1969, allá en mi ciudad.

¨Ir a la UNEAC¨ era entonces entrar a un buen laberinto, a un cajón de sorpresas consecutivas donde los personajes eran, se mezclaban con cuentos o versos ya leídos, y en los gestos de Onelio Jorge Cardoso se veían, dentro de ellos mismos, los gestos de Juan Candela*, o en las historias improbables contabas por Virgilio Piñera, que una vez, al leerle un poemita triste, me invitó a su casa delante de un grupo de jodedores, y de pronto se viró alargando el índice para agregar:
-Ve en ropas ligeras.

También se podía toma el café expendido por Raúl Sanabria desde una puerta con talanquera de tablas de pino, frente a la actual sala de navegación por internet, en una breve cola, donde no era raro ocupar fila detrás de Nicolás Guillén, siempre con un verbo agudo; o de César Portillo de la Luz, eterno con su guitarra a cuestas, en aquella zona donde se podía sentir la ¨voz de susurro de frondas y arrullo de mar**

En aquellos portales con sillones como de playa, era común ver a Eliseo, y a veces, raras, a Lezama con asmático y criollo decir, o a un Reynaldo Arenas con aura casi conspirativa, hablando como siempre hablaba, mordiendo las palabras antes de soltarlas al viento. Y entre los ¨escritores jóvenes¨, hacían tertulia Luis Rogelio (Wichy) Nogueras, Miguel Barnet y tantos otros que la memoria guarda y el espacio puntual de estas páginas omite. En aquella UNEAC estaban a la vista, accesibles y cordiales, los grandes y menos grandes nombres de la cultura cubana.

En ese ir y venir, en ese ¨conocer a los escritores y artistas¨ que hacían peñas largas o cortas en aquella unión de justa selectividad que unía, conocí a Helio Orovio, que desde entonces, y creo que para siempre (mientras haya memoria) será parte del paisaje uneaquero, como Nicolás echando maíz a sus gallitos pineos debajo de la mata de mango con una sonrisa plena y concentrada, de quien ya todo lo sabía y todo lo había vivido.

Con Helio fuimos tejiendo una especie de cobija común que ha durado los últimos 37 años. Creo que muy poco tiempo después de esos primeros encuentros en 1971, y hasta el pasado lunes 6 de Octubre de 2008, fecha de su muerte, mis visitas a la UNEAC, básicamente, eran para ¨ir a ver Orovio y conversar un rato¨. Eso decía en mi casa al salir. Por supuesto que veía a otros amigos, pero siempre me senté en la misma mesa del Profe. Y muchas veces, cuando la tarde comenzaba a confundirse con la noche, después de los ocasos múltiples de la UNEAC, salíamos a comer, a tomar un café, y a seguir una plática interminable de lo humano y lo divino, donde la parte más beneficiada era yo, que me enteraba de casi todo lo que quería saber. Y por él descubrí la explicación de muchas cosas, con esa lucidez asombrada que gastaba, llena de ironía con alto kilate vivencial, para explicar o develar los nexos de personas, cosas y situaciones del momento o del pasado. Helio sabía de dónde venía todo lo que le rodeaba, y también hacia dónde iba.

Dejamos de vernos un tiempo en a mediados de los 70 pero después nos reencontramos casi a finales de esa década en Nueva Gerona, cuando andaba en los trajines de hacer su famoso y por mucho tiempo único Diccionario de la Música Cubana (1980), que después logró editar completo en 1991.

Pero a partir de 1980 creo que no quedó tarde habanera que no viéramos escaparse, en unión de socios diversos, constantes o efímeros, que pasaron por la sala del Te de la UPEC***, o el Te ubicado en la esquina de G y 23, o en la UNEAC, desde que se abrió el Hurón Azul con meseros que parecían salidos de filmes ingleses, nada dados a la frágil y vocinglera chismería de piso sucio y ron barato.

Coincidir con Orovio, Leonardo Acosta, Walterio Carbonell, a veces Alberto Muguercia y algunos otros constantes o variables, entrañables todos, era lo más aproximado a la felicidad o una fiesta nombrable: epifanía de ingenio, cubanía y lecciones de vida. Justo lo que los antiguos llamaban el ocius poeticus, materia prima, o crítica, de toda creación. Allí germinaron proyectos conclusos o nunca acabados, regresos de viajes, sobre todo los que el Profe hacía a los Estados Unidos, donde, decía yo ante una demora de regreso, que Orovio jamás se quedaría a pesar de sus penurias frecuentes, ya que, simplemente, ese quedao le impediría contarle a sus amigos habaneros los detalles del viaje, las gentes que vio, mostrar los libros que trajo y las fotos privadas, que iba sacando con dramaturgia lenta de su bolso colgante, siempre repleto como una Caja de Pandora. Y traía las últimas noticias de los amigos o conocidos dispersos. Porque Helio tenía tantos amigos dentro como fuera de Cuba, gente que lo quería y lo sigue queriendo en latitudes múltiples, unidas todas por el meridiano de su condición humana principesca.

Por aquellas tertulias, donde el Profe dictaba cátedra y siempre estaba presto a dejarte con la palabra en la boca cuando avistaba una etíope de formas plenas, descubrí la real historia de la música cubana, ofrecida con desprendimiento cálido y extendido. Y no solo yo, pues muchos alumnos tuvo Orovio, nacionales y extranjeros, que no se cansaban de asombrarse al comprobar la minuciosa memoria de este hombre sencillo, ecuménico, que tenía por dentro un planeta lleno de poesía rebelde, contra cualquier luna que no alumbrara tambores y aguardiente. Orovio disfrutaba una cubanidad esencial, de un barroquismo incluyente y unánime, que exponía con gestos lentos y cómicos, como un mimo que con solo un ademán revelaba las otras sextas partes de su iceberg criollo.

No había Sábado de la Rumba o de la Trova en que no estuviera ahí en los jardines de la UNEAC, antes, y últimamente menos, en su pasión de cazador mayor de ¨hermosas etíopes¨, como les llamaba, o recopilando datos para sus libros, el último de ellos sobre Daniel Santos y su explosiva estancia en La Habana, que se iba a lanzar en Puerto Rico, pero no le dieron la visa, en ese juego de doble o triple filo, inútil, de darle al que no te dio. ¨Al parecer- me dijo entonces con parsimonia teatral- soy un peligro para la seguridad nacional de ese país¨

Hizo su Diccionario solo, con una paciencia tenaz de relojero suizo. Con algún apoyo, pero básicamente hecho por sí mismo, a pesar de las tantas instituciones relativas al tema que posee el país. Desde 1980, y hasta la salida del texto de Radamés Giro el pasado año****, fue la única bandera de su tipo en Cuba y el mundo, aunque la gente lo conocía más por el programa de televisión 9550, y sus frecuentas apariciones en la TV, o en documentales donde ponía la suya, bien puesta siempre, sin ser, como era, un musicólogo de academia, pero que producía más que una academia.

Durante años cultivó una socarrona fobia por las computadoras, a pesar de que miles de veces le hice ver las ventajas de esos aparatejos. ¨Si tu sabes vida y milagro de todos y de todo, imagínate como aumentaras la producción al tener un correo electrónico¨, le decía. Y conseguí al fin que en su último viaje a Vanezuela, donde enfermó, trajera una, según me comentó con moderado entusiasmo por teléfono 10 días antes de su muerte, y le dije que iría a prestarle ayuda en la instalación y montaje de programas, que es mi hobby. Pero todo se quedó en sus cajas, sin abrir.

Era proverbial el desinterés de Orovio por el mundo meterial. Casi nadie sabe que una vez ¨le asignaron un polaquito¨*****, que como es natural nunca llegó a manejar, pero no hubo almendrón o carro de los años 40-50 en La Habana que no conociera su aliento de pasajero constante.

Lamento haberme enterado tarde de su muerte y entierro, y no haber podido estar con él en ese momento supremo. Caballero de La Habana que era, seguirá siendo encontrable y previsible en cualquier esquina de la ciudad, en juntera democrática lo mismo en El Vedado conversando con un rostro habitual de la tele que con otro de abierta sonrisa con dientes de oro en la Habana Vieja. Recordé, al enterarme de su muerte, que fue Orovio el único velador del cadáver trashumante del Caballero de París******. Creo que fue un sentimiento de solidaridad andante, además de ese amor inmedible por guardar la historia, por darla en sus lados claros y oscuros. Y no solo de la música, sino también de la pelota, de toda Cuba y del mundo, pues Orovio siempre sacaba de su enorme maletín, como Melquiades en Macondo, objetos y hallazgos de otro mundo que hacían abrir las bocas perplejas de sus contertulios. Orovio siempre tenía la última, que casi siempre era la primera.
Muchas veces le insistí que debía escribir sus memorias, pero me miraba con su dulce picardía habitual, mientras decía segundos antes de una carcajada estruendosa:
-Me matan si hago eso.
Solo una vez en nuestros 37 años de amistad me molesté más o menos con él, porque alguien me dijo que Orovio dijo. Pero cuando llegué al Hurón, me senté frente a él y le pregunté (ya sin molestia alguna de solo verle la cara socarrona) el motivo de su dicho, me miró con gesto de lamentar lo inevitable y se excusó abriendo los brazos:

-Ay, Rodolfo, tú sabes que yo hablo hasta de mi.

También en muchas ocasiones, al ver cómo algunos explotaban sus conocimientos a la manera de colonizadores del siglo XIX, le pedí dijera que yo era su ¨representante¨ y se las entendieran conmigo para formalizar contraprestaciones que necesitaba, como todo ser humano, y a veces se quejaba al ver sus noticias y criterios expuestos en revistas y libros, sin el menor crédito y menos rédito para el profe, aunque el ¨investigador¨ si se ganaba su derechito de autor zurdo.

Pero entre viaje y regreso a Santiago de las Vegas, en ese agobiante trashumar que comenzaba a su llegada a la Habana hacia el mediodía y terminaba tarde en la noche en algún almendrón donde lo despedía en la calle 23, me parecía que su condición física se resentía, aunque antes, en ocasiones, íbamos a comer al paladar Los Amigos; pero otras, la mayoría, iba a por una pizza o pan con algo de esquina. No obstante, en los últimos años estaba más gordito y cuidado, y eso se debía a su prima, que no lo dejaba irse sin almorzar y lo atendía como a un niño.

Nunca pude precisar cómo invertía sus días para hacer tantas cosas, aunque en los últimos meses el trabajo de revivir al septeto Jóvenes del Cayo (donde fue bongosero casi 50 años atrás) le tomó un tiempo que le quitaba a la investigación y redacción. Fue uno de esos temas que asumió con obsesión. Me daba mucha alegría llegar al Hurón y verlo con sus camisas caribeñas y su gorra tipo Laserie, o la pelotera de los yanquis de New York, junto al bolso que contenía la mitad del planeta. Siempre había muchas personas buscando o esperando a Orovio. Muchos periódicos y sitios web del mundo se hicieron eco de su muerte, y ahí consta su bibliografía y trayectoria profesional. En este caso, yo sólo quiero hablar de mi amigo.

Aun, sabiendo que está muerto, a veces, entretenido o estudiando algún tema, me da el impulso de marcar su número de teléfono, pero me detengo a la mitad del gesto mental. Sé que puedo esperarlo en infinidad de rincones del recuerdo, y siempre va a estar ahí.

Sin desdorar, creo que cuando vuelva a entrar por el portón de entrada a 17 y H que mandó a fundir Gelats, todo ese ámbito, para mí, estará como mutilado de aquella atmosfera remota y suave que conocí a fines de 1971.
Es como si se me hubiera muerto la UNEAC.
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